Terre, une invitation au voyage

La Terre a ses droits - Le géoparc : une invention française !

Céline Lison
La Terre a ses droits - Le géoparc : une invention française !

Guy Martini, à l’origine en 1984 de la réserve naturelle nationale géologique de Haute-Provence, a su initier – pour le bien de la Terre – un réseau de protection d’espaces naturels désormais planétaire.

Éducation à l'environnement, tourisme durable et savoir-faire locaux en sont devenus les piliers. 

Quel est le point commun entre les Causses du Quercy en France, le mont Kunlun en Chine et les grottes del Palacio, en Uruguay ?

Réponse : leurs paysages constituent tous des pages de l'histoire de la Terre. Une histoire qui se compte en centaines de millions d'années...Pour Guy Martini, en revanche, l'aventure a commencé bien plus récemment. Il est encore jeune doctorant quand, en 1978, des élus de la région de Digne-les-Bains le sollicitent, conscients que la géologie du territoire pourrait être un atout pour le tourisme. Ne pourrait-il pas en écrire un livre pour le mettre en évidence ? Le géologue se met au travail, découvre des sites fascinants mais... déjà pillés. Et convainc finalement ses commanditaires de protéger ces espaces plutôt que de les coucher sur le papier. En 1984, la réserve naturelle nationale géologique de Haute-Provence naît. S'étirant sur plus de 2000 km2 avec ses ammonites géantes et ses fossiles de reptiles, elle constitue le plus grand espace de ce type en Europe. Un atout touristique certain. Dans la foulée, plusieurs pays commencent à répliquer l'idée. En juin 1991, sous l'égide de l'Unesco, plus de 150 scientifiques d'une trentaine de nations se réunissent. « Notre histoire et l'histoire de la Terre sont intimement liées. (...) Son histoire est notre histoire et son futur sera notre futur. », proclament-ils dans la Déclaration internationale des droits de la mémoire de la Terre. Sur les images d'archive, l'excitation et l'enthousiasme des participants sont palpables. Près de 30 ans plus tard, Guy Martini se souvient avec émotion des « rencontres humaines incroyables » qui ont jalonné ce rassemblement décisif.

« La déclaration a été traduite dans plus d'une cinquantaine de langues », s'étonne-t-il encore. En France, le travail réalisé à Digne a montré la voie et a fait des petits. Des territoires comparables ont gagné une nouvelle identité. On parle désormais de géoparcs. La notion de patrimoine géologique s'impose. Aidé de trois collègues, un Grec, un Allemand et un Espagnol, Guy Martini va sur le terrain, s'immerge en milieu rural, prospecte, argumente...

« L'idée, c'était aussi de trouver des clés pour que nos territoires puissent évoluer différemment : qu'on y construise des maisons d'hôtes plutôt que des grosses infrastructures hôtelières. Qu'un tourisme intelligent puisse apporter des économies complémentaires aux habitants... »

En 2000, le réseau européen de géoparcs est sur pied. Quatre ans plus tard, il s'étend à l'échelle... de la planète. Depuis 2015, on compte désormais 147 géoparcs Unesco dans 43 pays différents. Guy Martini pourrait se reposer sur ses lauriers. Il n'en est rien : « Je suis parti dans cette aventure par besoin de protéger des traces de vie âgées de centaines de millions d'années. Aujourd'hui, c'est le patrimoine immatériel qui est en danger. Tous les 15 jours, une langue disparaît. Ce temps de la Terre, il faut maintenant le mettre en lien avec le temps de l'Homme. » Dans cet esprit, les géoparcs sont devenus des territoires de résilience où l'éducation à l'environnement, le tourisme durable et les savoir-faire locaux deviennent des piliers. Pour mieux permettre aux habitants de la Terre que nous sommes de faire face aux défis à venir.

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