“C’est un nouveau rêve que je réalise” : Hugo Ayaviri achève son expédition pakistanaise

Il est 8h du matin en Bolivie quand Hugo Ayaviri répond à notre appel en visio. Son visage est encore un peu marqué par la fatigue de l'exploit qu'il vient d'accomplir. Le gaillard de 44 ans a perdu quelques kilos dans l'épreuve, mais "moins qu'en 2021 au K2", souligne en souriant Anne Bialek, son épouse, assise à ses côtés. Son sourire, lui, en dit long. C'est celui d'un homme fier d'être parvenu à gravir sans oxygène et sans porteur trois géants pakistanais de l'Himalaya en moins d'un mois : le Nanga Parbat (8 126 mètres), le Gasherbrum I (8 080 mètres) et le Gasherbrum II (8 035 mètres).

"C'est un nouveau rêve que je réalise, un véritable accomplissement personnel. Je suis fier aussi de l'avoir fait pour mon pays, j'espère que cela va inspirer les jeunes alpinistes et sportifs boliviens", raconte Hugo, avec toute la modestie qui le caractérise. Au retour, Anne a pris soin de lui réserver un comité d'accueil restreint avec ses amis, sa famille, la fédération de ski qui l'appuie dans sa démarche, histoire d'éviter le tumulte des médias. "Les quelques jours qui ont suivi, Hugo a enchainé les interviews et coups de téléphone avec la presse écrite, télé et radio. Il est passé en direct sur deux chaînes de télévision largement regardées par la population", précise-t-elle. Presque inconnu en 2021, Hugo est devenu une idole pour beaucoup de Boliviens.

"Il n'y a pas de montagne facile"

Les récits des montagnards sont bâtis sur des expériences fortes. Si l'expédition d'Hugo s'est globalement bien déroulée, elle a connu quelques péripéties notables. Sur le Nanga Parbat, le 26 juin, il a dû affronter une météo compliquée et des vents très violents. Exactement un mois après, sur le Gasherbrum I, la neige tombe pendant cinq jours. L'épuisement manque de peu de lui faire renoncer au sommet. Anne raconte : "Quand Hugo est arrivé au camp 1 du Gasherbrum I, il m'a appelé, épuisé, en me disant qu'il n'allait pas y arriver".

En électron libre avec sa tente d'assaut, ses 30 kilos sur le dos, sans porteur et sans oxygène, Hugo se joint alors à l'une des expéditions jusqu'au camp 2 à 6 400 mètres. "De là il est parti à 6h du soir, seul, dans le noir pour atteindre le sommet 1 700 mètres plus haut", détaille Anne. Miracle, sur sa route au camp 3, il rencontre deux Pakistanais, sans oxygène, qui partent vers le sommet. En tant que guide de haute montagne et alpiniste chevronné, Hugo l'affirme :

"Il n'existe pas de montagne facile. En réalité, le gros problème c'est surtout la peur. Quand on est seul, qu'on ajoute le facteur chance et la mauvaise météo, c'est encore pire".

Parmi les anecdotes marquantes de son expédition, il retient aussi son arrivée en haut du Nanga Parbat avec Sajid Sadpara, 26 ans. Le jeune Pakistanais a une affection importante pour Hugo, qu'il présente à tout le monde comme celui qui l'a aidé à descendre le corps de son père sur le K2 il y a quelques années. Juste après le Nanga Parbat, l'armée les a envoyés tous les deux pour une tentative de sauvetage en hélicoptère. "Sajid est un jeune très attachant qui œuvre beaucoup pour développer son pays et le faire connaitre. Il est remonté pour nettoyer les déchets restés sur les camps", témoigne Hugo.

Everest et Lhotse à suivre ?

Avec ces cinq sommets du Pakistan au compteur, un nouveau chapitre s'ouvre désormais. En 2025, la Bolivie célèbrera le bicentenaire de son indépendance. Ce serait une année symbolique pour qu'Hugo termine l'ascension des 14 sommets de plus de 8000 mètres et faire entrer son nom dans l'Histoire. "J'aimerais marquer une nouvelle étape au printemps 2024 avec les ascensions de l'Everest et du Lhotse", envisage l'alpiniste.

Officiellement, une cinquantaine d'alpinistes, hommes et femmes confondus, ont réussi à gravir les 14 sommets de plus de 8000 mètres dans le monde. En moyenne, ces sportifs mettent 14 ans pour réaliser les 14 ascensions. Hugo serait le premier Bolivien et le troisième sud-américain à y parvenir, en combien d'années ?