Terre, une invitation au voyage

Nous avons rencontré Wilfried Romain, le cuisinier-voyageur de Top Chef 2022

Océane Martinez
Nous avons rencontré Wilfried Romain, le cuisinier-voyageur de Top Chef 2022

Depuis Metz, Wilfried est passé par l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Thaïlande, l’Indonésie ou encore l’Argentine, la Bolivie pour se rendre en Patagonie. Sa cuisine a évolué au rythme des rencontres faites le long des sentiers. Aujourd’hui, Wilfried définit son art comme une cuisine voyageuse.

À 21 ans tu es parti en Australie puis en Nouvelle Zélande, en Indonésie et en Thaïlande ; tu dis que ce voyage a été une révélation culinaire, pourquoi ?

Je suis parti à 21 ans en Australie... et cette destination était un choix dû au hasard. À la fin de mes études de cuisine, il me manquait quelque chose. J'avais un besoin d'espace, de découvertes. Je crois que j'avais besoin de bousculer mes idées et qui j'étais alors.
À Melbourne, j'ai été catapulté dans un épatant mélange culturel. Le restaurant pour lequel je travaillais à l'époque était dirigé par un Chef australien, un sous-Chef chinois et toute l'équipe venait des quatre coins du monde. Lors des repas du personnel, nous cuisinions, chacun à notre tour, un plat de notre pays. Toute cette période était bercée de découvertes incessantes, attisant toujours plus ma curiosité.

Puis, le chemin vers l'Asie a changé la donne - ma donne - pour toujours. La 'street food' a été une révélation pour moi. Ce qui m'a fasciné, c'est le côté « débrouillardise » de la cuisine de rue et comment une multitude de saveurs pouvait être créée avec si peu de matériel. J'ai été surpris par toute une nouvelle palette de goûts.

À 23 ans, de retour en France, c'est avec Thierry Marx au Mandarin Oriental que j'ai pu révéler toute l'influence asiatique de ma cuisine. Je m'inspirais des cuissons ainsi que d'une manière toute particulière d'associer les saveurs (l'acide, l'amer, le sucré...). En cuisine, nous faisions des essais pour le Chef et lorsque j'ai proposé l'un de mes bouillons à Thierry Marx, il m'a dit cette phrase qui a été un réel déclic : « Là je suis à Bangkok, banco ! ». J'ai compris que je pouvais faire voyager les gens avec ma cuisine.

"Rizières" - Souvenir d'Asie, Indonésie et Thaïlande - Riz/poireau/échalote/basilic thaï/poivre kampot

Tu es ensuite parti en Amérique du Sud : Chili, Argentine, Bolivie, Pérou et Colombie ; qu'as-tu découvert pendant ce voyage ? Humainement et culinairement ?

À Santiago, j'ai travaillé aux côtés du Chef Rodolfo Guzman, dans le restaurant Borago (l'un des 50 meilleurs restaurants du monde selon "The World's 50 Best Restaurant" en 2018). Là encore, j'ai été parachuté dans une équipe internationale : nous étions 30 en cuisine, venant de tous les horizons. J'ai tellement appris des différentes cultures, découvert différentes manières de vivre et d'être, et ma cuisine s'en est encore vue influencée.

Ce n'était que le début ! Après l'expérience chez Borago, j'ai repris mon sac et, avec ma compagne, nous sommes de nouveau partis sur les routes. Chemin-faisant, nous avons traversé le Chili, de Punta Arenas à Santiago, passant un mois en Patagonie. Nous faisions du stop ou prenions le bus et l'itinéraire se dessinait au rythme des personnes rencontrées.

Au fil de mes voyages et rencontres, j'ai compris que si les échanges culturels ne peuvent qu'enrichir les idées, il en va de même pour la gastronomie. J'essaye donc d'associer les techniques de réalisation ou les saveurs découvertes le long des chemins afin de faire voyager les gens pour leur offrir un petit tour du monde en bouche. À titre d'exemple, l'un de mes plats signature est un poisson mêlant l'amertume du café péruvien au rau ram (une coriandre vietnamienne légèrement mentholée).

Dans quel pays as-tu eu ta plus grosse surprise culinaire ?

Il est difficile de n'en choisir qu'une ! Globalement, ce sont les techniques de cuisson qui m'ont le plus interpellé et marqué. Par exemple, sur l'île de Chiloé, j'ai été bluffé par le curanto, plat chilien cuit à l'étouffée à un mètre et demi sous terre. En Argentine, la réalisation d'un barbecue relève de l'art. En Bolivie, c'est l'ingéniosité des marchands sur les bords de route lorsqu'il s'agit de cuire une truite à l'improviste qui m'a épaté.

"La montagne aux 14 couleurs" - Souvenir d'Argentine, Serrania el Hornocal - Épaule d'agneau confite/ail doux/ail rôti/condiments parrilla

Tu participes à l'édition 2022 de Top Chef ; tes voyages t'ont-ils permis de te démarquer des autres candidats ?

Oui, je pense que mes expériences de voyage ont nourri mon panel de goûts. En revanche, même si ces découvertes sont de formidables outils, il s'agit ensuite de savoir s'en servir intelligemment. Globalement, je pense que mes aventures m'aident à trouver « le petit truc qui fera la différence ».

Tu comptes ouvrir bientôt un restaurant à Paris... peux-tu nous en dire plus ?!

Début 2023, je vais ouvrir un restaurant qui sera également un lieu de vie. Ce projet est plein de promesses et sera intimement lié au voyage, au partage et à la rencontre.

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